Il existe un monde mystérieux.

Un labyrinthe appelant à la flânerie onirique et au réveil de la nostalgie. Dans cet univers aux décors immersifs, l’imaginaire conduit à l’inspiration et à la rencontre de l’autre. De l’inconnu. Le temps s’y est arrêté entre passé et futur, à cet instant où l’impossible devient possible.

Une utopie merveilleuse.

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La pêche aux leurres

Si aujourd’hui les Inuits d’Alaska ainsi que certains peuples de Papouasie, utilisent encore pour tromper les poissons des leurres en os, en ivoire de morse ou en nacre de coquillages, très voisins de ceux retrouvés dans des grottes préhistoriques et datés d’au moins 30 000 ans, il faudra attendre le XVIIe siècle pour voir apparaître les premiers leurres de pêche récréative et non plus seulement alimentaire.

Créée en 1898 dans le Michigan, la firme Heddon fabrique toujours en 2023 des leurres de qualité.

Tout comme la mouche, les leurres sont l’avenir de la pêche. Même si la carpomania et le surf-casting aux appâts naturels continuent de faire encore un peu de résistance, il ne fait aucun doute en ce début de troisième millénaire, que la pêche de loisir, si elle veut continuer de se développer sera sportive, ludique, propre, écologique et respectueuse du poisson. 

Sportive, car quel jeune ou moins jeune voudrait se reconnaître dans l’image des pêcheurs de la Seine de Daumier, bourgeois assis sur un pliant et attendant avec une patience confinant à l’absurde que leur bouchon rouge frémisse puis s’enfonce ? 

Ludique et c’est là, la chance des fabricants de leurres, car quand ça ne mord pas, on peut toujours s’amuser à faire nager, plonger, surfer, « popper » ou simplement promener comme un chien en laisse, un leurre dont la pénétration dans l’air a été étudié en soufflerie et la nage assistée par ordinateur en régime de fluides laminaires comme turbulents et que Luke Skywalker ne dédaignerait pas d’accrocher au bout de sa « canne hyper télescopique-laser » dans un futur épisode de « Star wars ».

Leurres métalliques à palettes tournantes dits cuillers, toutes agrémentées de « pompon » en plumes d’ibis ou de pintade, voire en poils teints ou non. Les deux cuillers en nacre, au centre de l’image, sont des modèles ondulants, dont l’éclat imite à la perfection les reflets des écailles de nombreux petits poissons (gardons, ablettes, etc ), proies des carnassiers.

Plus connue pour ses carabines à répétition et autres fusils, la firme Winchester fabrique encore aujourd’hui d’excellents leurres pour la pêche des carnassiers d’eau douce : brochets, sandres, black-bass, mais également pour la mer : bars, barracudas, bonites, etc...

La marque Paw Paw (prononcer Poh Poh) et sa célébrissime grenouille en bois, aux pattes arrières articulées et ses yeux globuleux en verre.

Propre, car les jeunes pêcheurs et les femmes dont on apprend qu’elles seraient de plus en plus nombreuses à vouloir pratiquer notre loisir, répugnent à pétrir des boules d’amorce, enfiler des vers se tortillant ou des asticots puants, sur un hameçon, pour attraper des poissons dégoulinant de mucus gluant comme les brèmes, les tanches ou les gardons. Heureusement, pour capturer les espèces  nobles ou sportives de poissons, salmonidés, carnassiers ou grands prédateurs marins, les leurres font merveille.

Écologique et pourrait-on dire politiquement correcte, la pêche aux leurres qui permet de remettre à l’eau dans de bonnes conditions de survie, ce qu’il ne faut plus considérer comme des proies mais comme des partenaires de jeu, n’offre pas en outre aux intégristes « Verts », d’arguments pour faire interdire notre loisir sous prétexte, comme dans la pêche au vif ou à l’asticot, qu’on inflige en les empalant sur l’hameçon des souffrances sadiques à un être vivant.

En une du magazine « Outdoor Life » (la vie au grand air), un Black Bass, poisson carnassier recherché par des millions de pêcheurs américains, qui a mordu sur un « plug » (leurre en bois) et cherche à s’en débarrasser, dans une cabriole aérienne, dont cette espèce a le secret.

Splendide cuiller tournante « Pflueger » au triple habillé de plumes de pintade, d’ibis et de cygne.

Respectueuse du poisson, enfin, car les leurres qui contrairement aux appâts naturels ne sont jamais avalés profondément, et sont toujours piqués dans les parties dures insensible, de la gueule des carnassiers ou des salmonidés, peuvent être avec un peu de savoir-faire, voire en utilisant des hameçons sans ardillon, être facilement décrochés et blessent très peu les poissons que l’on désire relâcher.

Un rare devon français artisanal, dit « devon des tranchées », car fabriqué, à leurs rares moments d’inactivité, par des poilus (pêcheurs en temps de paix), à partir d’une douille de balle de fusil Lebel, sur laquelle étaient soudées deux ailettes rotatives. La fente permettait les passage des hameçons triples. On connaît plus les douilles d’obus de 75, travaillées en vase ou en cache-pot.

Un peu d’histoire

Si les hommes de Cro-Magnon utilisaient des leurres en bois, en os ou en ivoire, pour attirer à portée de la pointe de leur flèche ou de leur harpon, des poissons carnassiers, il faut attendre le début du XIXe siècle pour voir apparaître les premiers leurres de pêche sportive ou récréative. Leurre universel s’il en est, la cuiller métallique, ou du moins son utilisation pour la pêche, nous viendrait d’Angleterre.

L’histoire raconte que l’épouse d’un lord qui accompagnait son époux sur la barque alors qu’il pêchait dans un des lacs de son domaine, laissa tomber par inadvertance, une cuiller de pique-nique en argent par dessus bord, et que la voyant tournoyer en coulant vers le fond, un brochet s’en saisit… En France, ce mode de pêche est mentionné pour la première fois par Charles de Massas dans son célèbre ouvrage: « Le pêcheur à la mouche artificielle et à toutes lignes » paru en 1859 à Paris. « Nous venions de déjeuner et le gloria normand flambait dans nos tasses. Vous voyez cette petite cuillère, me dit mon ami en me présentant celle dont il venait de se servir pour remuer son café. Eh bien! avec elle je vous ferai prendre des perches et des brochets. Seulement il faudra lui enlever son manche et percer deux trous, l’un en haut, l’autre en bas, à ses deux extrémités. Je n’avais jamais entendu parler d’un semblable instrument, et l’incrédulité plus encore que l’étonnement se peignait sur ma figure. Je ne plaisante pas, reprit mon ami, et pour vous en convaincre voici  une cuillère toute disposée et qui m’a été envoyée d’Angleterre, pays où ce genre de pêche est pratiquée partout. Mon ami monta sa ligne à moulinet et  y adapta le bas de ligne qui portait  la cuillère. Grâce à sa forme et à la résistance qu’elle opposait à l’eau, la petite cuillère tournait avec une vitesse extrême, même en eau morte. Après quelques coups lancés surtout pour mouiller la ligne, il continua et prit onze perches, plus un brocheton de trois livres. »

Depuis un siècle et demi donc, des millions et des millions de cuillers tournantes ou ondulantes ont permis la capture d’encore plus de  millions de truites, perches et brochets dans toutes les eaux de la planète. Et le succès de ce leurre qui peut nous sembler bien rudimentaire aujourd’hui ne s’est jamais démenti.

Splendide leurre polynésien de pêche à la traîne, dont les premiers exemplaires connus furent ramenés de leurs expéditions dans le Pacifique, par des membres de l’équipage du capitaine Cook. La palette est en nacre de coquillage et l’hameçon en os taillé, quelquefois humain.

Le marketing halieutique, décline à l’envi les modèles de leurres les plus délirants.

Un pêcheur de compétition américain avec une belle brochette de gros black-bass, capturés avec des leurres Bombers. Aujourd’hui, les poissons seraient photographiés et relâchés.

Même si les « bonnes vieilles » cuillers métalliques, leurre bon marché s’il en est,  continuent de prendre des poissons carnassiers comme des salmonidés, les pêcheurs modernes se sont ingéniés depuis plus de cent ans à inventer d’autres attrape-poissons de toutes formes, tailles, couleurs, matières et comportement au bout de la ligne. Aux devons,  poissons de bois, poissons artificiels en caoutchouc, poissons d’étain de nos grands-pères se sont aujourd’hui substitués les plugs, jigs, poppers, Rapalas et autres spinner baits, crank baits, stick baits, creek chubs, magnets, top water  plugs, suspenders, bombers, pin’s, bugs, méga tropic,  sans oublier les turluttes et autres leurres souples et si mon clavier pouvait écrire le japonais, je ne sais quel samouraï y retrouverait sa panoplie de Yo-Zuri, Asaki, kariba, kirara, Kokun, Shogun, hamakuku, kouroucoucou, j’en passe et des meilleurs…

Très belle planche couleur dépliante, extraite d’un catalogue Hardy des années trente, montrant la grande variété des leurres de la marque. Nombreux modèles de devons en bois, métal ou caoutchouc, un poisson nageur à bavette (en bas à g. ancêtre du Rapala) et une cuiller tournante à plombage en tête.

Aux Etats-Unis, la conservation et la protection de la ressource piscicole sont une priorité dans tous les états de l’Union. Ici un petit livret délivré avec le permis de pêche 1950, résumant les tailles légales de capture, le nombre de poissons autorisés par jour, les méthodes de pêche et d’autres règles à ne pas transgresser, sous peine d’amende, voire d’interdiction de pêcher pendant les années à venir.

Leurres en bois d’avant-guerre, qui peuvent prendre encore du poisson de nos jours.

Et c’est d’ailleurs, comme pour les modèles d’automobiles ou les single malts des Highlands, cette diversité déclinée à l’extrême et renouvelée comme les collections de haute-couture deux fois par saison, qui fait que les fabricants de leurres sont bien les seuls acteurs économiques du secteur «Pêche» à se frotter encore les mains… Car même si dans les eaux libres et publiques de notre pays, pourtant gérées, si l’on en croit nos instances halieutiques, « de la façon la plus démocratique et la meilleure du monde », les bredouilles ne se comptent plus, les pêcheurs français continuent d’acheter des leurres qu’ils ils vont d’ailleurs souvent faire nager dans les eaux irlandaises, hollandaises, écossaises, espagnoles, autrichiennes, polonaises, russes, quand ce n’est pas en Nouvelle  Zélande, au Kamtchatka ou en Alaska… Tous pays qui n’ont pas la chance d’avoir des Fédérations de Pêche aussi (in)compétentes que les nôtres.

Le saviez-vous ? 

La France est après les Etats-Unis et le Japon, le troisième importateur-consommateur  de leurres de pêche. Entre l’eau douce et la mer, il y aurait autour d’un million de pratiquants de la pêche aux leurres dans notre pays.

La société Mepps, premier fabricant mondial de cuillers a été créée avant-guerre, et malgré un nom à  consonance anglo-saxonne, était, même si elle a été récemment, compte tenu du succès de ses productions, rachetée par des capitaux américains, tout ce qu’il y a de plus française. C’est un ingénieur-automobile et pêcheur, André Meulnart, qui créa cette marque en 1937. Aujourd’hui pas un pêcheur français sur cent mille qui utilise ces cuillers, sait que  MEPPS signifie : Manufacture d’Engins de Précision pour la Pêche Sportive.

Avec les cuillers Mepps, les leurres les plus connus dans le monde sont certainement les Rapalas, fabriqués à l’origine en Finlande et dont le nom de marque, tout comme frigidaire, est passé dans le langage courant comme synonyme de leurre.

Aux États-Unis on estime à plus de 30 millions le nombre de pêcheurs aux leurres, et les chiffres d’affaires générés par cette « industrie » à plus de 50 milliards de dollars…..

En eau douce, le poisson le plus recherché dans le monde par les pêcheurs aux leurres est de loin le black-bass. En France la truite vient certainement en tête suivie par le brochet, la perche et le sandre.

En eau salée, sur nos côtes c’est le bar ou loup méditerranéen qui est l’espèce la plus recherchée par les pêcheurs plaisanciers.

Les  plus grands poissons marins comme les thons ou les marlins peuvent se pêcher aux leurres.

En eau salée, sur nos côtes c’est le bar ou loup méditerranéen qui est l’espèce la plus recherchée par les pêcheurs plaisanciers. 

Les  plus grands poissons marins comme les thons ou les marlins peuvent se pêcher aux leurres. 

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